De l’éphémère à l’intemporel : Rencontre avec Fanny-Laure, créatrice de mobilier.
Chez Zanutta, nous aimons mettre en lumière celles et ceux qui incarnent l’excellence artisanale. Parmi eux, Fanny-Laure, ébéniste-marqueteure et créatrice de mobilier, trace un parcours singulier : celui d’une femme qui a quitté l’univers de la communication pour redonner sens à la matière. Ses créations, qu’elle décrit comme des « objets sensés », allient rigueur du geste, douceur des lignes et émotion du toucher. Son procédé de marqueterie de paille sous verre agit comme une métaphore de son propre parcours : de l’éphémère vers l’intemporel, de la fragilité vers la permanence.
La porte du Soleil : une entrée dans la lumière avec Zanutta
Notre mission est de sublimer les espaces en faisant dialoguer architecture et savoir-faire artisanal. C’est dans cet esprit que nous travaillons sur une villa d’exception à Côme, en Italie.
Pour donner vie à une porte sculpturale, Zanutta France fait alors appel à Fanny-Laure, réputée pour sa maîtrise unique de la marqueterie de paille.
Le choix de collaborer avec Fanny-Laure illustre la vocation profonde de Zanutta : orchestrer la rencontre entre artisans d’exception et projets d’architecture intérieure, pour que chaque réalisation devienne une œuvre d’art à part entière.

Sur la porte, un disque central en verre soufflé de Venise est cerclé d’un rayonnement de fines lamelles de paille. Chaque brin est fendu puis aplati, collé et recoupé à la main pour créer le motif.
Chaque fibre capte la lumière différemment et dessine des reflets changeants au fil du jour. Travaillée comme à la période Art Déco, la vibration de la matière naturelle est sublimée et offre un jeu subtil entre matité et éclat. Pour un projet unique !
Cette porte monumentale condense toute sa démarche : rigueur géométrique, respect du matériau, sensibilité au rythme de la lumière.
Elle incarne parfaitement la philosophie que partagent Zanutta et Fanny-Laure : transformer le savoir-faire artisanal en expérience sensorielle, et faire de chaque élément d’architecture un objet de sens et d’émotion.
Derrière cette création d’exception se cache un parcours tout aussi singulier : celui d’une femme qui a quitté l’univers de la communication pour se consacrer au geste et à la matière.
De la communication à la création : retrouver le sens
Avant de devenir ébéniste, Fanny-Laure évoluait dans l’univers du marketing et de la communication, au sein de la grande distribution. Un domaine dans lequel elle exprimait déjà sa créativité, mais pas aussi pleinement qu’elle le souhaitait.
« J’ai longtemps travaillé dans la communication, et après un moment j’ai commencé à m’ennuyer. Je me rendais compte que ce que je faisais était complètement éphémère. Je travaillais parfois plusieurs mois sur une campagne, et une fois qu’elle était terminée, elle disparaissait. »
Ce besoin de s’ancrer dans le tangible, de transformer l’éphémère en quelque chose qui dure, trouvera plus tard une résonance directe dans sa manière de fixer la paille sous verre, comme une métaphore de son propre parcours.
Mais pour le moment, elle réveille un profond besoin : celui de travailler la matière et en particulier le bois.
Adolescente déjà, elle rêvait de rejoindre les Compagnons du Devoir, « mais ils ne prenaient pas de filles à l’époque, ça m’avait coupé les ailes » confie-t-elle avec un sourire discret qui en dit long.
Après la naissance de son troisième enfant, elle profite de son congé maternité pour repenser sa trajectoire. Elle décide alors de franchir le pas et s’inscrit à l’Institut Saint-Luc de Tournai, en Belgique, où elle se forme à l’ébénisterie en 3 ans.
« J’ai adoré cette école. C’était un grand atelier vivant, avec des personnes de tous âges, de tous niveaux, chacun sur son établi. »
Elle y découvre la précision, la matière, le geste juste. Et retrouve enfin une forme d’ancrage : celui du bois, de la main, du temps long.
L’atelier, un laboratoire vivant
Installée aujourd’hui près de Bayonne, Fanny-Laure partage son temps entre deux espaces : un atelier bois collectif, où elle fabrique du mobilier, et un atelier paille, plus intime, consacré à la marqueterie et à la création.
« Je passe de l’un à l’autre suivant les projets et les besoins. Il y a des moments où je ne peux plus voir mon atelier paille en peinture et d’autres où j’ai besoin de retrouver son calme, propice à la création. Au contraire l’atelier bois permet l’échange, le passage à l’action, la production. »

Dans ces lieux complémentaires qui traduisent deux facettes d’un même rapport à la création, elle conserve précieusement maquettes, échantillons, nuanciers, prototypes.
« Tout est là, autour de moi. Ce sont des supports de mémoire. Je pioche dedans pour nourrir un projet ou relancer une idée. »
Elle décrit son atelier comme un véritable « laboratoire d’expérimentations » où les contraintes techniques deviennent des moteurs de création.
« J’aime les contraintes. Elles m’obligent à aller plus loin. »
Cette approche résonne particulièrement chez Zanutta, dont les ateliers fonctionnent, eux aussi, comme un laboratoire vivant de l’architecture intérieure. Chaque projet y est pensé comme une expérience sur mesure, un espace de dialogue entre artisans et architectes, où l’on explore de nouvelles formes d’expression avec un objectif commun : réunir l’excellence artisanale et l’inventivité artistique.
La recherche ne s’arrête jamais : elle s’affine, se transmet et se matérialise dans des pièces où le sens rejoint la beauté.
Une philosophie commune qui s’articule autour d’une idée forte : celle de « l’objet sensé ».
“L’objet sensé” : utile, durable, transmissible
Pour Fanny-Laure, un meuble ne se résume pas seulement à sa fonction. Il doit aussi raconter quelque chose, s’inscrire dans le temps, créer du lien et de l’émotion.
« Je veux que mes créations aient un aspect intemporel, qu’elles puissent se transmettre. Ce ne sont pas des objets jetables. »
Chaque pièce naît d’un dessin, préférant le crayon pour les ébauches puis passant à l’ordinateur pour la mise au point technique.
Elle nous confie :
« Je fonctionne encore à l’ancienne. J’ai besoin de faire des maquettes, de dessiner à l’échelle, de tourner autour d’un prototype. »

Dans cette première étape, le geste est essentiel : il donne sa justesse aux proportions et sa cohérence à la forme.
Les outils numériques ne viennent qu’ensuite, pour ajuster les dimensions et présenter des visuels 3D aux clients.
« Je n’utilise pas le numérique comme un outil de création, mais de finalisation. C’est en faisant que je trouve la justesse, en passant par le regard et le geste. »
Innover sans trahir la matière
Juste avant le confinement, Fanny-Laure s’inscrit à un atelier de marqueterie de paille. L’apprentissage de cette technique et sa mise en pratique immédiate agit comme une révélation.
« Isolée de l’atelier d’ébénisterie, j’ai commencé à expérimenter la marqueterie de paille chez moi, dans une petite pièce. Et de fil en aiguille, j’ai eu envie d’aller plus loin. »
Trois années de recherche, d’essais et de prototypes plus tard, elle met au point une technique inédite de marqueterie de paille fixée sous verre, développée en collaboration avec Saint-Gobain. Ce procédé protège la paille des UV, du frottement, du décollement et de l’humidité, ouvrant de nouvelles perspectives d’usage.

« Cela me permet d’utiliser la paille autrement, sans craindre la fragilité de la matière. Je peux imaginer des tables basses, des portes de douche, des crédences de cuisine… »
Sous verre, la paille conserve sa brillance tout en étant protégée et devient un matériau pérenne.
Ce mariage entre artisanat et innovation incarne parfaitement sa démarche : prolonger le geste ancestral dans un dialogue contemporain. Une manière d’explorer le futur sans jamais trahir la matière.
De l’éphémère à l’intemporel : la consécration du Mobilier national
Lorsqu’elle évoque la sélection de sa console Arcades par le Mobilier national en 2020, son émotion se fait sentir.
« C’est une belle reconnaissance. Mon œuvre est entrée dans les collections et n’en sortira plus. »
Ce meuble, inspiré du XVIIIème Siècle et de l’architecture, fait dialoguer techniques traditionnelles, lignes contemporaines et mémoire collective.
Pour Fanny-Laure, cette sélection représente aussi ce qu’elle était venue chercher dans la création manuelle et qu’elle ne trouvait pas dans la communication : la permanence en opposition à l’éphémère.
Là où les campagnes de communication disparaissaient aussitôt, ce meuble demeure conservé à jamais dans les collections du patrimoine français.
« Je sais qu’il y a au moins cet objet-là qui restera. Il a été sélectionné par mes pairs, et il marque un petit point dans l’histoire de l’art du mobilier contemporain puisqu’il est présent aux côtés de pièces emblématiques. »
Détail charmant : le motif du plateau reprend (par hasard) la forme du logo du Mobilier national.
« Je ne l’avais pas vu. Mais on me l’a fait remarquer par la suite. »
Une artiste qui s’ignore
Lorsqu’on écoute Fanny-Laure parler de ses créations, de ses inspirations, de ses expérimentations, on perçoit une sensibilité artistique évidente. Et pourtant, elle se décrit avec une modestie désarmante :
« J’ai du mal à me considérer comme une artiste. J’ai une pratique artistique, mais je ne produis pas d’œuvres d’art. »
Cette humilité contraste avec la précision de son regard. Elle parle de ses influences : l’Art Déco, les lignes pures du mobilier moderniste, les couleurs de la nature, avec un calme et une pudeur qui trahissent pourtant une véritable âme d’artiste.
« Parfois, c’est une tapisserie, un concert, un détail dans un costume… Ce sont des choses qui m’inspirent sans que je ne m’en rende compte. »
Puis, après un silence, elle reconnaît néanmoins :
« J’en suis venue à ce métier car j’aime le patrimoine et j’aime l’art ».
Rencontre avec Zanutta
De cette sensibilité au geste et au détail est née une rencontre évidente avec Zanutta.
« Zanutta m’a contactée car ils cherchaient quelqu’un qui maîtrisait la paille pour un client ayant une maison en Italie. »
Le projet marque le début d’un dialogue naturel entre deux univers qui se reconnaissent : celui de la créatrice et celui de la maison italienne, tous deux habités par le même respect de la matière et des savoir-faire.
« J’aime ce genre de collaboration. Une fois les contours du projet définis : couleurs, motifs, matières, je peux me concentrer sur le geste pur. C’est reposant. »
Chez Zanutta comme chez Fanny-Laure, le matériau est le point de départ de toute création : bois, paille, pierre ou verre, chacun devient un langage, un terrain d’expérimentation.
Cette affinité silencieuse entre artisanat et design donne naissance à des pièces à la fois précises et sensibles, où la beauté s’exprime dans la justesse du détail.
Transmettre, évoluer, durer
Lucide et exigeante, Fanny-Laure observe son métier avec la distance de ceux qui en connaissent la fragilité.
« Le plus grand défi, c’est de faire évoluer les savoir-faire pour qu’ils restent pertinents et recherchés. »
Elle voit dans la marqueterie de paille un bel exemple de renaissance : « Elle a disparu plusieurs fois. Aujourd’hui, elle revient grâce aux créateurs qui la réinventent. »
Et lorsqu’elle s’adresse à la nouvelle génération, son message est clair :
« Il faut s’accrocher. Ce n’est pas une route tracée. Il faut se réinventer sans cesse et créer sa propre place. »
Un regard tourné vers demain
Fanny-Laure rêve aujourd’hui de voir les commandes venir à elle pour se consacrer uniquement à la création.
« Ce serait l’idéal. Me libérer de la partie commerciale pour être vraiment focus sur la création. »
Une aspiration simple, à son image : exigeante, sincère et tournée vers l’essentiel. Dans un monde où tout s’accélère, son travail rappelle que la beauté prend du temps et que la main, lorsqu’elle est guidée par la passion, peut encore défier l’éphémère.

« Je ne l’avais pas vu. Mais on me l’a fait remarquer par la suite. »